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Le secret derrière le Dorr

Gaspard Nectoux

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« À pied d’œuvre », paragraphes sous-titrés « Éloge du mauvais objet », Trafic, n° 3, été 1992, et « Les grandes marches », Cahiers du cinéma, n° 458, juillet-août 1992. Vingt ans plus tard, Sylvie Pierre a décrit la découverte par Biette de l’or Dorr dans Trafic, n° 85, printemps 2013.

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Rassemblés sous le titre « Los Angeles Triptych », les textes reviennent sur la genèse des films, décrivent le Los Angeles des émeutes de 1992, et évoquent les traitements contre la maladie.

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Respectivement Rimbaud in L.A. de Richard Moyer, As the World Burns de Ken Camp, et The Other Woman de Terry Murphy, avec Strawn Bovee, qui joue aussi Dorothy Parker.

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Et dont Bill Krohn, qui a envoyé les cassettes de Dorr à Biette, rend compte quelques mois plus tard dans « Les vœux de nouvel an de John Dorr », Cahiers du cinéma, n° 470, novembre 1993.

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« Letter from Hollywood », Take One, vol. 4, n° 2, mars 1974.

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Revoyant Silver Lode de Dwan, dans « Journal de l’an passé », Trafic, n° 1, hiver 1991.

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En tout cas le plus découpé. Selon mes comptes : 209 plans en 80 minutes pour Omega, soit une moyenne de 2,6 plans par minute, quand les trois autres tournent autour de 1,5 plan par minute : 104 plans en 73 minutes pour Sudzall, 118 plans en 76 minutes pour Consciousness, 146 plans en 113 minutes pour Dorothy and Alan.

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On pourrait relier ce que fait Dorr aux fonds abstraits de Mark Rappaport dans Mozart in Love (1975) ou Local Color (1977), fonds devant lesquels se passe l’action et dont on sait que, plus tard chez Rappaport, ils deviendront des images dans lesquelles les corps sont incrustés, puis des images seules. Cette transformation d’un expressionnisme maison en esthétique de l’incrustation est en germe chez Dorr, avec le rêve d’Andy dans Omega sur fond de neige de télévision.

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Même ceux des animaux signifient : le chat de Dorr, Gertrude, compte ainsi deux rôles : Mabuse, le chat inquiétant de Consciousness, et Cliché, le chat casanier de Dorothy and Alan.

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Un héritier direct de Dorr, le seul peut-être, a poussé cette voie dans le cinéma américain contemporain : Dan Sallitt. Critique au L.A. Reader au début des années 1980, Sallitt suit la production d’EZTV, loue Dorothy and Alan et Omega à sa sortie, et tourne son premier long métrage en vidéo sous la tutelle de Dorr : Polly Perverse Strikes Again! (1986) suit les discussions crues d’un couple dont la vie est perturbée par une ancienne maîtresse. L’humour et le goût du faux de Dorr sont absents des films de Sallitt, mais la rigueur des discussions est là, d’une austérité quasi rohmérienne dans les suivants, au service d’une série de sérieux problèmes : Honeymoon (1998, sur l’impuissance), All the Ships at Sea (2004, sur l’endoctrinement), The Unspeakable Act (2012, sur l’inceste) et Fourteen (2019, sur la dépression et l’addiction). Lire le grand entretien avec Dan Sallitt réalisé par Vincent Poli au printemps 2019, « Problèmes d’adultes », posté sur .

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Sur ce point, des scénarios plus explicites ont été remisés, comme The Hilldale Cruise, film de drague en caméra subjective, ou Fancy Dancer, mélo amoureux entre un prêtre et un paroissien.

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Comme l’écrit Biette dans « Histoire d’un duel », Trafic, n° 41, printemps 2002.

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Comédienne de théâtre, Strawn Bovee est proche d’EZTV dès le début, y tenant à peu près tous les rôles, d’animatrice d’une émission métaphysique à responsable juridique, jouant année après année dans maintes productions maison. Dan Sallitt, encore, a prolongé le travail de Dorr en scrutant plusieurs fois, par d’ascétiques champs-contrechamps, les fissures du masque impérieux de Bovee.

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Ne pas oublier que Biette connaissait la vidéo, après avoir tourné avec Vecchiali plus de trente heures d’un journal de la Biennale de Venise 1976, expérience d’une « technique idéale pour capter un matériau brut empêchant […] la virtuosité » (déclarait-il dans Cinématographe, n° 49, juillet 1979), et influence selon lui sur Le Théâtre des Matières, tourné quelques semaines plus tard.

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« Letter from Hollywood », op. cit.

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« Dead Pigeon on Beethoven Street », Take One, vol. 4, n° 1, janvier 1974.

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« Un entretemps », Vertigo, n° 44, mars 2012.

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« Une telle expérience est le fruit de quelques volontés et de nombreuses énergies décidées à travailler, tâtonner, tester et émouvoir en grand, c’est­à­dire en se donnant tous les moyens, disons, de Hollywood », écrit déjà Riboulet sur son propre cinéma, dans Trafic, n° 13, hiver 1995 – on voit combien les noms que je cite sont liés, mais c’est que tout ça est affaire de généalogie, et que les propres films espions de John Dorr sont évidemment les cousins pas si éloignés des Spy Films de Pierre Léon et Mathieu Riboulet (de Dorothy and Alan à Deux dames sérieuses, il n’y a qu’un pas).